Estime de soi, sentiment d'efficacité personnelle et confiance en soi

 

 

- approches psychologiques et philosophiques -

 

Quelle est la place dans la trajectoire scolaire de la perception de l'ego ?

 

I- La dimension psychologique

 

1-L'estime de soi : une variable contre-intuitive.

 

Il est courant de penser qu'une faible estime de soi serait une cause d'échec scolaire et qu'à l'inverse une bonne estime de soi favoriserait la réussite scolaire.

 

En réalité, le travaux concernant l'estime de soi montrent l'ambivalence de cette variable. En effet, des élèves afin de préserver leur estime d'eux-mêmes peuvent mettre en place des stratégies d'évitement de la tâche pour ne pas être confronté à l'échec.

 

De même les travaux sur l'implication par rapport à la tâche et par rapport à l'égo révèlent que les élèves qui sont impliqués par rapport à la tâche obtiennent de meilleurs résultats que ceux qui sont dans des stratégies de préservation de leur ego.

 

 

2-Le sentiment d'efficacité personnelle

 

La variable qui apparaît comme la plus prédictive des performances ultérieures est le sentiment d'efficacité personnelle : il s'agit de la confiance en sa capacité à pouvoir réaliser une tâche. « Je peux le faire ».

 

Ce sentiment d'efficacité personnelle n'est pas nécessairement identique à l'estime de soi générale ou à l'estime de soi sociale. En effet, le sentiment d'efficacité personnelle peut varier en fonction des matières.

 

Alan Bandura, qui a travaillé sur le sentiment d'efficacité personnel, met en avant l'importance de « l'apprentissage vicariant » dans le renforcement du sentiment d'efficacité personnelle. L'apprentissage vicariant repose sur le modelage. L'apprenant prend modèle sur une autre personne qui réussi la tâche à effectuer. L'apprentissage vicariant est d'autant plus efficace que l'apprenant peut s'identifier à un modèle qu'il perçoit comme semblable à lui-même : « s'il peut le faire, alors je peux le faire aussi ».

 

Une autre caractéristique qui renforce le sentiment d'efficacité personnelle, c'est "l'agentivité", c'est-à-dire la capacité à se considérer comme l'auteur de ses actes. Cela rejoint en psychologie de la motivation la théorie de l'attribution causale: c'est à dire le fait de penser que l'on doit ses résultats à son travail ( et non à des capacités innées) ou que l'on peut influer sur ses échecs (que l'on ne croit par exemple qu'ils sont dû  par exemple au fait que l'enseignant n'apprécie pas l'élève).

 

Ainsi, un élève à qui l'on fait une critique formative réagit différemment selon qu'il cherche à préserver son estime de lui-même ou qu'il a un fort sentiment d'efficacité personnelle. Celui qui cherche à préserver son estime de lui-même va dévaloriser la remarque qui lui est faîte car il la perçoit comme atteignant son ego. Celui qui a un fort sentiment d'efficacité personnelle peut l'accepter car il est persuadé qu'il peut parvenir à mettre en pratique le conseil qui lui est donné. 

 

II- La confiance en soi comme vertu morale

 

1- La confiance en soi comme thématique philosophique

 

 

L'engagement dans la tâche comme l'avait remarqué Emerson est la condition de possibilité d'une ethique perfectionniste tournée vers la recherche d'excellence vis-à-vis de soi même (arété):

 

"L'enthousiasme est l'un des moteurs les plus puissants du succès. Quoi que vous fassiez, mettez-y toute votre énergie et toute votre âme. Marquez votre entreprise du sceau de votre personnalité. Soyez actif, énergique, enthousiaste et loyal, et vous atteindrez votre objectif. Rien de grand n'a jamais été obtenu sans enthousiasme.”

 

Si l'enthousiasme dans l'engagement dans la tâche est la condition de possibilité du développement des compétences qui caractérisent l'expert. Elle est la condition de possibilité de l'acquisition de connaissances vastes et structurées dans la mémoire à long terme .

 

Mais le développement des compétences de haut niveau que sont l'esprit critique (évaluation) et la créativité supposent de la confiance en soi. L'esprit critique demande en effet d'être capable de résister au conformisme social et à la soumission à l'autorité. La créativité suppose le goût du risque. 

  

La question du rapport de soi à soi, n'est pas qu'une question psychologique, c'est également une question philosophique. De fait, il est possible de se demander dans quelle mesure la relation pédagogique à l'école peut favoriser le renforcement du « soi » et donc contribuer à construire une confiance en soi.

 

Pour le philosophe Emerson, la confiance en soi est une vertu qui est la condition de possibilité de toutes les autres : « La confiance en soi est la première clé du succès ». Cette confiance en soi se caractérise par la capacité à résister au conformisme : « Celui qui veut être un homme doit être un non-conformiste, car rien n'est plus sacré que l'intégrité de son propre esprit ».

Celui qui a confiance en lui et qui est donc un non-conformiste peut alors être capable de faire entendre sa propre voix : « Trouver ma voix consiste, non pas à trouver un accord avec tous, mais à réclamer, à faire revendication » (Laugier). Le citoyen en démocratie doit être en capacité de faire entendre sa voix allant jusqu'à pouvoir désobéir si cela s'avère nécessaire.

 

2- L'apprentissage du conformisme dans la forme scolaire

 

La forme scolaire produit du conformisme de groupe. Les élèves sont mis côte à côte dans une classe et ils doivent obéir à l'enseignant.

La plupart du temps, on ne leur demande pas d'affirmer un avis personnel argumenté, voire on les en dissuade : « ne donnez pas votre avis personnel dans la copie ».

Ils répondent à des questions fermées. Souvent, les enseignants font semblant d'ignorer les questions spontanées des élèves ou les écartent explicitement au nom du programme.

Peu de place est consacrée à l'oral et il rare que l'on permette aux élèves d'affirmer face au groupe classe leur position personnelle sur un sujet et de l'argumenter.

De fait, peu d'élèves, puis d'adultes, développent la capacité à défendre leurs idées devant un public.

Nombre d'élèves, puis d'adultes, lorsqu'ils sont interrogés sur l'école, se rappellent de la pression sociale du groupe classe et de leur vulnérabilité face aux remarques des enseignants.

Le curriculum caché du genre, au sein de la forme scolaire, participe de cette construction du conformisme dans la forme scolaire.

 

3- Former à l'esprit critique pour affirmer une voix différente

 

La confiance en soi passe par la capacité à résister au conformisme de groupe et à la soumission à l'autorité. Une personnalité qui est trop sensible à l'autorité sociale de l'enseignant : peur de la note, trop grande sensibilité affective aux remarques de l'enseignant… ne peut acquérir une confiance en soi.

 

De même celui qui est trop sensible au regard d'autrui et à la pression sociale du groupe ne peut acquérir une confiance en soi.

 

Il y a donc un paradoxe dans nombre de discours sur la bienveillance et la confiance en soi. On fait de la bienveillance de l'enseignant une condition de possibilité de l'acquisition de la confiance en soi. Or la confiance en soi est la capacité du sujet à pouvoir résister aux remarques négatives d'un enseignant ou des pairs.

 

Comment l'enseignant peut-il contribuer à construire de la confiance en soi ?

 

La confiance en soi suppose que l'enseignant déconstruise les normes de genre. La confiance en soi suppose de pouvoir construire sa personnalité sans se soumettre aux normes de genre.

 

L'enseignant doit encourager et permettre aux élèves de s'interroger de manière critique et à formuler des objections.

 

L'enseignant doit encourager les élèves à prendre la parole au sein du groupe classe pour défendre leurs idées.

 

Enfin, l'enseignant doit proposer des travaux écrits qui ne sont pas fermés et qui permettent à l'élève  de prendre le risque d'argumenter un avis personnel et de proposer une ou des solutions créatives à la question posée.

 

Bibliographie :

 

Galand Benoît, Vanlede Marie, « Le sentiment d'efficacité personnelle dans l'apprentissage et la formation : quel rôle joue-t-il ? D'où vient-il ? Comment intervenir ?. », Savoirs 5/2004 (Hors série) , p. 91-116 URL : www.cairn.info/revue-savoirs-2004-5-page-91.htm

 

Emerson, La confiance en soi et autres essais, Paris, Payot, 2000.

 

Lecomte Jacques, « Les applications du sentiment d'efficacité personnelle. », Savoirs5/2004 (Hors série) , p. 59-90 - URL : www.cairn.info/revue-savoirs-2004-5-page-59.htm

 

Martinot Delphine, Connaissance de soi et estime de soi: ingrédients pour la réussite scolaire » , Vol.27, n°3, 2001, p. 483-502, URL : https://www.erudit.org/revue/rse/2001/v27/n3/009961ar.html

 

 

Philippe Sarrazin, Damien Tessier et David Trouilloud, « Climat motivationnel instauré par l’enseignant et implication des élèves en classe : l’état des recherches », Revue française de pédagogie , 157 | octobre-décembre 2006 

 

La préparation mentale (ou entraînement mental):

 

Les sportifs ont recours à des méthodes qui visent à renforcer leur mental et à les entraîner à résister mentalement aux épreuves.

 

 Les techniques de préparation mentale en sport - http://www.mobilesport.ch/wp-content/uploads/2011/11/11_11_Psychologische_Training_f.pdf

 

 Le concept de « force mentale » en psychologie sportive - Kim Turgeon Marie-Ève, Halliwell Wayne Richard, « L'évolution du concept de force mentale chez les athlètes : mise à jour des connaissances et limites méthodologiques. », Staps 2/2011 (n°92) , p. 7-21 - URL : www.cairn.info/revue-staps-2011-2-page-7.htm

 

Le Scanff Christine, Les bases de l'entraînement mental, Bulletin de psychologie, 2005/1. URL :http://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=BUPSY_475_0101

 

 

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Animé par Irène Pereira

 

 

 

Professeur des Universités.

Philosophie et éthique

Sciences de l'éducation.