LA POLITIQUE

 

Sujet : La classe peut-elle être un laboratoire de la démocratie ?

 

Eléments de problématisation :

 

La thèse selon laquelle l'école peut être considérée comme un laboratoire de la démocratie a été soutenue par plusieurs courants pédagogiques réformateurs : les pédagogues anarchistes comme Sébastien Faure (démocratie directe anarchiste), John Dewey ou encore par exemple la pédagogie institutionnelle.

 

La tradition républicaine française s'est instituée en s'appuyant sur l'idée issue de Platon, et également présente chez Rousseau, que la république s'identifie à la transcendance de la loi. Rousseau défini ainsi la République : « J'appelle donc République tout Etat régit par des lois » (Du Contrat social).

 

La pratique pédagogique républicaine doit donc faire intérioriser à l'enfant le respect de la transcendance de la loi. C'est une visée qui est clairement présente par exemple dans L'Education morale d'Emile Durkheim : « Et cependant, il faut que l'enfant apprenne le respect de la règle ; il faut qu'il apprenne à faire son devoir parce que c'est son devoir, parce qu'il s'y sent obligé, et sans que la sensibilité lui facilite outre mesure la tâche […] C'est par la pratique de la discipline scolaire qu'il est possible d'inculquer à l'enfant l'esprit de discipline ». La citoyenneté démocratique est avant tout le fait d'une obéissance rationnelle.

 

A l'inverse, les pédagogues, qui mettent en avant la nécessité d'institutions démocratiques à l'école, s'appuient sur une conception de la République qui n'est pas caractérisée avant tout par l'isonomie (l'égalité devant la loi comme garantie d'une liberté comme absence de domination), mais l'iségoria (l'égalité du droit à la parole) c'est-à-dire sur une liberté politique qui est définie comme participation à l'élaboration de la loi. La citoyenneté est une pratique avant d'être un rapport intellectuel à la loi.

 

Textes :

 

Texte 1 :

Une fois par semaine, plus fréquemment, si le besoin s'en fait sentir, tous les collaborateurs se réunissent le soir venu, la journée terminée, quand les enfants sont au lit. Ceux de nos grands enfants qui, âgés de 15, 16 et 17 ans, sont en apprentissage, assistent à ces réunions et y prennent part au même titre que les collaborateurs eux-mêmes. Ces réunions ont pour objet de resserrer les liens qui nous unissent et de nous entretenir de tout ce qui intéresse la Ruche. Chacun dit ce qui le préoccupe, fait part du projet qu'il a formé, de l'idée qu'il a eue et soumet cette idée, ce projet, cette préoccupation aux autres. On en parle ; on en discute ; on laisse l'idée ou le projet à l'étude si on ne possède pas encore les éléments suffisants à une détermination. Chacun a le droit de se renseigner sur le fonctionnement de tel service : enseignement, caisse, comptabilité, cuisine, etc., etc., de formuler des observations, d'émettre des conseils, de proposer des améliorations. Grâce à ces réunions fréquentes, tous nos collaborateurs et nos grands enfants (garçons et filles) sont mis et tenus au courant de tout ce qui se passe, connaissent constamment la situation de la Ruche, participent aux décisions prises et concourent à leur application. C'est la vie au grand jour ; c'est la pleine confiance ; c’est l'échange de vues, simplement, franchement, à cœur ouvert. C'est le moyen le plus sûr et le meilleur de prévenir les intrigues et la formation des coteries que favorise le silence.

Sebastien Faure, « La ruche », in Encylopédie anarchiste, (1934).

 

Remarques : Le pédagogue anarchiste Sebastien Faure présente dans cet extrait le fonctionnement de son école La Ruche (1904-1917). On tend parfois à penser que les pédagogies libertaires, d'inspiration anarchiste, sont des pédagogies individualistes, reposant sur le « fait ce que voudras » (Rabelais). En réalité, liée au mouvement ouvrier, les pédagogues anarchistes développent une éducation qui accorde une place importante d'une part au travail (comme fait anthropologique) et d'autre part à la mise en place d'institutions démocratiques qui devraient correspondre à une société fondée sur une égale-liberté de ses membres.

 

 

Texte 2 :

La Paideia en tant que scolarisation civique implique le développement de l’auto-activité des citoyens en utilisant leur propre activité en tant que moyen d’internaliser les institutions démocratiques et les valeurs compatibles avec elles. L’objectif est donc de créer des individus responsables qui ont intériorisé à la fois la nécessité des lois et la possibilité de mettre les lois en question, à savoir des personnes capables d’interrogation, de réflexivité et de délibérations. Ce processus doit commencé depuis le plus jeune âge par la création d’espaces publics d’enseignement qui n’ont rien à voir avec les écoles actuelles, dans lesquels les enfants seront amenés à internaliser, et donc à accepter pleinement les institutions démocratiques et les valeurs sous-entendues par les principes fondamentaux d’organisation de la société : l’autonomie et la communauté. • La Paideia en tant que formation personnelle implique le développement de la capacité d’apprendre plutôt que d’enseigner des choses particulières, de sorte que les personnes deviennent autonomes, c’est à dire capable d’auto-activité de réflexion et de délibération

 Takis Fotopoulos, « De la mes(éducation) à la Paidéia » (2005)

 

Remarques : Proche des théories de Cornélius Castoriadis (qui développe également une pensée de la paidéia comme condition d'une société démocratique), Takis Fotopolos a théorisé une forme de démocratie qu'il qualifie d'inclusive. Castoriadis, dans sa conceptualisation de la paideia, met en lumière la nécessité d'une co-institution autonome de l'individu et de la société : pas de société autonome (c'est-à-dire démocratique) sans individu autonome, et pas d'individu autonome sans société autonome. C'est pourquoi l'éducation revêt une place importante car en tant qu'institution sociale, elle suppose une transformation de la société dans son ensemble et qu'elle se donne pour objectif la transformation de chaque personne pris individuellement. Dans cet extrait, Fotopolos insiste sur deux dimensions de l'autonomie à l'école: la socialisation à des institutions démocratiques et la transmission de savoirs-faires plutôt de connaissances statiques.

 

 

Focus : La pédagogie institutionnelle – Le conseil d'enfants et l'institution de règles.

 

Parmi les courants pédagogiques qui depuis les années 1960 ont le plus travaillé à une pédagogie de la formation du citoyen démocratique, par les pratiques pédagogiques, figure la pédagogie institutionnelle.

 

Site de Jacques Pain (l'un des universitaires fondateur de ce courant)  :

http://www.jacques-pain.fr/jacques-pain/Les_MCC__Micro-cours.html

 

Focus : La discussion à visée philosophique et démocratique (DVDP)

 

La pratique des discussions à visée démocratique et philosophique ont été théorisée par Michel Tozzi comme un outils de formation à une citoyenneté démocratique. Elle s'inscrivent dans un référence à l'éthique de la discussion de Jurgen Habermas :

http://www.philotozzi.com/2011/03/439/

 

Elles peuvent être également situées dans la continuité des discussions philosophiques telles qu'elles ont été théorisées par l'américain Mathew Lippman dans la continuité de la philosophie du pédagogue pragmatiste John Dewey.

 

 

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Animé par Irène Pereira

 

 

 

Professeur des Universités.

Philosophie et éthique

Sciences de l'éducation.