INTRODUCTION

(Introduction cours philosophie de l'éducation)

 

I- Une philosophie de l'instruction républicaine...

 

Les résistances de l'enseignement de la philosophie dans le secondaire à la pédagogie et à la philosophie de l'éducation sont liées en partie à la manière dont cet enseignement s'est constitué en lien avec les justifications idéologiques de la Troisième République.

 

Les promoteurs de la Troisième République ont mis en avant une mission civilisatrice à prétention universelle visant à répendre les bienfaits de la raison. Ils ont affirmé la nécessité pour la République de s'instituer en s'appuyant sur un ensemble de valeurs spirituelles que devait inculquer l'école.

 

S'est donc institué en France, un lien intime entre des principes pédagogiques, des présupposés philosophiques et des orientations politiques. L'Etat républicain entend prendre la place transcendante qu'occupait Dieu dans la fondation des lois. Le cours magistral accorde la même place à l'enseignant qu'au prêtre relativement aux fidèles.

 

L'enseignant et le respect de la discipline qu'il instaure est sensé former l'élève au respect de la règle impersonnelle comme le citoyen a le devoir de respecter les lois instituées par l'Etat. C'est un aspect que met en avant par exemple Emile Durkheim dans L'éducation morale.

 

C'est pourquoi au sein de l'enseignement de la philosophie en France, l'idéalisme rationaliste a occupé une place aussi importante. Cet enseignement s'est appuyé plus particulièrement sur: Platon, Descartes, Rousseau (lu comme un rationaliste en politique) et Kant.

 

L'enseignement est tourné vers la transmission d'un savoir désintéressé dont la finalité est à la fois intellectuelle et morale. 

 

II- ... Contestée par des pédagogies nouvelles aux présupposés philosophiques divergents

 

Les innovateurs pédagogiques, en particulier à partir de la fin du XIXe siècle, développent des pratiques pédagogiques en opposition avec ce modèle magistral. Pour ce faire, ils justifient leurs méthodes bien souvent par des présupposés philosophiques radicalement différents de ceux qui servent de justification à la Troisième République.

 

Certains d'entre eux, dans les milieux ouvriers, sont des opposants aux institutions de la République. Leur volonté de transformer les pratiques pédagogiques est en lien avec une critique de l'Etat républicain et de l'économie capitaliste.

 

Il est possible de dégager quelques traits communs qui caractérisent un certain nombre d'innovateurs en pédagogie.

 

Tout d'abord, dans la continuité de Rousseau, ils entendent, non pas contrecarrer une sensibilité humaine considérée comme égoïste (à la différence de la tradition chrétienne ou de Kant dans son Traité de pédagogie), mais ils souhaitent adopter une approche naturaliste et scientifique qui les conduit à s'appuyer sur des tendances spontanées présentes en l'être humain. 

 

Leur anthropologie pour la plupart d'entre eux n'est pas celle de l'utilitarisme empiriste, mais s'avère plus proche des philosophies de la vie. L'enfant présente en lui une tendance vitale spontanée à l'activité. Il s'agit de prendre appui sur celle-ci. Elle est curiosité, désir d'apprendre (Dewey). Elle est tendance naturelle au travail (Freinet). Elle est la spontanéité sur laquelle pourra s'édifier la liberté de l'adulte (Faure). Ainsi ce vitalisme se traduit par exemple par des références à l'élan vital de Bergson (chez Ferrière ou Freinet).

 

Une deuxième caractéristique de ces réformateurs pédagogiques consiste dans la substitution au cours magistral - considéré comme d'origine religieuse – d'une pratique éducative inspirée de la méthode expérimentale. Elle prend le nom de méthode inductive chez Faure, d'expérimentation chez Dewey ou de "tatonnement expérimental" chez Freinet. L'introduction de la méthode scientifique moderne change le rapport à la vérité des connaissances qui ne sont plus considérées comme immuables et sont appelées à se transformer. Leurs conceptions pédagogiques impliquent donc une épistémologie en lien avec leur anthropologie vitaliste. Ce n'est donc plus la transmission de connaissances constituées qui est la priorité, mais l'apprentissage des méthodes permettant d'établir des connaissances. 

 

Enfin, une troisième caractéristique porte sur le projet sociopolitique qu'ils entendent instituer à travers leur pratique pédagogique. La tradition républicaine met en avant la transcendance de la  loi comme garantie de la liberté. Les réformateurs pédagogiques entendent appuyer la liberté sur la participation à l'institution de la loi. L'action pédagogie doit ainsi tendre à socialiser à la prise de décision démocratique. 

 

Ainsi alors que l'enseignement républicain valorisait un rapport intellectuel au savoir, les pédagogies nouvelles présupposent que les apprentissages impliquent une activité du sujet apprenant. 

 

Bien évidemment, le tableau qui est ici dressé ne tient pas compte d'une analyse de détail entre les différents innovateurs pédagogiques et il faudrait dans le détail prendre le temps de distinguer différentes conceptions et de les discuter : l'utilitarisme vitaliste d'Herbert Spencer, l'inspiration personnaliste chrétienne de Maria Montessori, le vitalisme matérialiste de Freinet, le pragmatisme de Dewey, l'inspiration psychanalytique de Carl Rogers....Il faudrait aussi montrer comment cette thématique de l'activité du sujet apprenant recouvre des théorisations diverses selon les courants pédagogiques: vitalisme, psychologie constructiviste, psychologie cogntive...

 

De fait, l'approche philosophique adoptée dans cette proposition de cours de philosophie de l'éducation discute la tradition républicaine à partir de références pédagogiques marquées plus particulièrement par la pédagogie libertaire de Sébastien Faure, le pragmatisme philosophique de Dewey ou encore l'éducation ouvrière d'inspiration syndicaliste révolutionnaire, qui se continue dans l’œuvre de Celestin Freinet.

 

III- Aborder le programme de philosophie en terminale à partir de la philosophie de l'éducation

 

En centrant l'approche des notions du programme de terminale sur leurs implications en philosophie de l'éducation, on est conduit à problématiser les notions sous des angles quelque peu différents de ceux qui sont les plus habituellement utilisés en terminale, mais surtout on fait émerger d'autres controverses philosophiques que celles que l'on traite couramment en terminale. 

 

La conduite du programme de philosophie sous l'angle de la philosophie de l'éducation permet d'aborder avec les élèves des questions qui concernent leur expérience quotidienne du système scolaire, mais également la manière dont dans le cadre de leur scolarité se construit leur avenir.

 

Une telle approche peut leur donner l'occasion de réfléchir au sens de leur présence dans le système scolaire, mais également à construire un sens qui ait une valeur pour eux. En effet, si ce n'est pas l'enseignement de philosophie qui se donner une telle fonction, quel enseignement peut bien aider les élèves à construire du sens ?

 

Enfin, force est de noter qu'en s'intéressant aux positions des innovateurs pédagogiques, on ne peut pas s'en tenir à affirmer une extériorité du discours pédagogique et philosophique. La pratique pédagogique devient une philosophie en acte. La réflexivité philosophique met à jour les présupposés philosophiques contenus dans ces pratiques. L'éducation, et ainsi la philosophie de l'éducation, permettent d'aborder différents champs philosophiques comme les questions anthropologiques, génoséologiques, politiques ou morales. En effet, les pratiques pédagogiques impliquent une certaine conception de l'être humain et des théories de la connaissance. Elles possèdent des enjeux politiques et éthiques.

 

Annexe: Exemple de programmation annuelle en série L: Méthodes et orientation post-bac

                                                                                        en ST  : Méthodes et orientation post-bac

 

 

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Animé par Irène Pereira

 

 

 

Professeur des Universités.

Philosophie et éthique

Sciences de l'éducation.